Comment les enfants marocains résidant à l’étranger vivent leur bilinguisme dans les pays d’accueil entre la langue arabe ou amazigh parlées dans le contexte familial et la langue du pays de résidence? Comment s’organise l’apprentissage de ces langues et quel est le statut de la langue maternelle dans le foisonnement du plurilinguisme ?
Dalida Rezzoug, pédopsychiatre à Bobigny, précise, pour le cas de la France, dans un article paru en 2007, dans la revue : le français aujourd’hui: « L’actualité de l’automne 2006 (lois Sarkozy sur l’immigration et l’intégration) nous a rappelé que parler français pour les enfants étrangers pouvait faciliter l’accès au droit à séjourner en France. De même, le dernier rapport parlementaire sur la prévention de la délinquance (rapport Benisti, janvier 2005) incitait clairement les mères des très jeunes enfants à utiliser le français, même si elles ne maîtrisaient pas bien cette langue, ce qui de fait dévalorise la langue de la famille et déprécie le statut de ces enfants ».
Selon Rezzoug, de telles positions ont un impact négatif sur l’épanouissement des enfants migrants, puisque la conciliation entre deux appartenances culturelles doit se réaliser dans « une bonne estime de soi », afin que l’apprentissage de la deuxième langue soit en harmonie avec la langue maternelle qui est fondamentale pour l’identité.
Comment les enfants MRE vivent leur bilinguisme ?
Certes, la scolarisation, l’acculturation et l’intensification des échanges interviennent en faveur de la langue du pays de résidence. Tandis que la langue maternelle reste restreinte dans le cadre familial. D’autant plus que l’école la considère comme une source des troubles du langage chez les élèves d’origine étrangère. Ce qui cause la régression ou la stagnation des compétences linguistiques en langue maternelle.
Julia Mirsky, universitaire, explique dans « Language and Migration : Separation individuation conflicts in relation to the mother tongue and the new language » publié en 1991, que pour les enfants qui se trouvent dans une situation de migration, « apprendre une nouvelle langue implique notamment l’acquisition de nouveaux objets internes et de nouvelles représentations de soi ; de la même façon, la perte de la langue maternelle est associée à un sentiment de perte d’une partie importante de son identité ».
Suite aux nombreuses études, les chercheurs s’accordent à mentionner l’importance de la langue maternelle pour les enfants migrants et son rôle comme facteur fondamental de leur équilibre personnel.
Dalila Razoug conclut « à la lumière de notre expérience, acquise auprès de patients migrants et auprès de leurs enfants, il nous apparaît important d’encourager la transmission et la pratique de la langue maternelle. En effet, la bonne maîtrise de la langue maternelle et la structuration de savoirs sur le monde physique et social à travers elle, facilite l’acquisition de la langue du pays d’accueil et permet ainsi aux enfants de bénéficier des avantages cognitifs inhérents au bilinguisme. ».